accueil-rimes-pixels
accueil poemespremiers poemes jorge cardosopremiers poemes jorge cardosoautres po�sies jorge cardosogrand texte langue fran�aise
accueil poemes



jorge poete
La jeune fille, la mort et le temps



  Le père Machin galope en tous sens, il a découvert ce matin que sa fille a épousé la Mort, sur le bord d’une tasse de thé, en négligé de soie.
  Elle, inconsciente, tourne et retourne la bague à son doigt, à s’en donner le vertige. Un bel anneau en ivoire rouge et bleu comme le sang, et froid comme des fiançailles. Elle l’embrasse toujours et jamais, toutes les deux minutes, mille fois par jour, mille fois chaque semaine... et encore, elle ne l’a que depuis hier, son bel anneau doux comme la nuit.

  Le père Machin donne des coups de pieds à la terre qui le lui rend bien. Et il lève les bras aux ciels, aussi haut que le lui permettent ses courtes jambes... En voilà un gendre gênant qui ne viendra certes pas l’aider aux champs. Et pourtant... toujours à se balader avec une faux, comme pour le narguer. Et cette lenteur ! Il a donc tout son temps le moissonneur de vie ? La récolte n’est pourtant pas si mauvaise ! Qu’il vaque donc à sa tâche. Cours pêcher les derniers souffles, au lieu de capturer les premiers battements de cœur de ma petite, en négligé frissonnant !

  Enfer et crépitation, il faudra bien s’en débarrasser.
  Les yeux brumeux et le ciel impassible, le père Machin court toujours la campagne ; l’important c’est de participer. Il cherche quelqu’un pour éliminer ce gendre. Il cherche et ne trouve pas ; ça risque de durer longtemps.
  Et le thé qui commence à bouillir ! Enfin, tant que l’eau ne dort pas... et la petite non plus, pas de raison de se méfier. Tout de même cet anneau est inquiétant, rouge et bleu comme le vent, dur comme le sang. Inoubliable, et tournant, tournant encore dans ses yeux à elle, qui ne dit rien. Ne dit rien mais frissonne, sexy en diable et un petit air divin, qui s’évapore quand elle titube sur le bord de la tasse. Dans ses yeux, la bague, si belle et improbable.
  Et rien à faire, le père Machin n’y trouve pas son compte, et le pays a le tournis de se sentir parcouru en tous sens sous un ciel qui décidément s’en fout. Et pourtant il lui crache aux nuages son mépris pour son gendre la Mort, un fainéant qui ne fait rien pour gagner sa vie, et qui finira mal. Qu’il s’en aille et qu’il reprenne son anneau.

  Enfer et stagnation, n’en sera-t-on jamais débarrassé ?
  Sur le bord de la tasse, tendrement enlacés, la Mort et la petite se regardent dans les yeux. Elle ne voit que l’anneau qui vibre avec elle, il ne voit que sa vie ; et le grand crucifix de la cuisine va bénir leur union, en brisant la glace qui n’en demandait pas tant, en ce mois de mai quarante (aucune importance). Mais le thé trop sucré a décoloré l’ivoire bleu et rouge comme rien du tout. Tant pis, ce sera pour une autre fois.
  Que la Mort est triste ! Mais la vie s’en fout.

  Le père Machin ?
  Il n’arrête pas de moissonner les saisons, quelqu’un lui a montré le truc une fois, comment bien le faire. Il ne sait plus qui. Un type qui est parti. Dommage, un chouette parti pour la petite qui s’ennuie.
  Le père Machin a acheté un manteau gris et quitté le pays par la petite porte. Il moissonne les secondes, histoire de passer le temps.
  A une fenêtre de la ferme on aperçoit parfois la petite, en négligé de soie, tournant et retournant la bague froide comme des fiançailles à son doigt.
  Mademoiselle Temps attend que son papa lui ramène son promis...

  L’hiver est triste par ici.




Un autre poème en prose
Un autre
Encore un


po�mes - rimes - jorge

[ Accueil ] - [ Mes ailes Déchirées / Sommaire ] - [ Où l'encre m’emporte / Sommaire ] - [ Poèmes égarés / Sommaire ] - [ Textes d'origines diverses ]

Mentions légales & Crédits

po�mes - rimes - jorge

Jorge Cardoso
Poète à heures perdues et retrouvéwes

Ma page Jorge chez :
FB

Courriel : jodacardo@gmail.com