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jorge poete
Le rivage des amours échouées



    Le courrier s’est empilé, depuis deux ans, sur les colonnes passagères de mes amours. J’avance en soupirant dans ce décor de ruine, où les larmes s’accumulent comme de la poussière et me font tous- ser, cracher, mourir... Je donne des coups de pied dans quelques pierrailles, fragments de cœurs brisés et d’yeux crevés.
    Au loin, sur l’horizon, une banderole attire mon dégoût : « Tout est à vendre ». Et des âmes (« Oh ! si possible cadenassez votre esprit. ») vieillies, pourries, bradées pour quelques mots sirupeux et de beaux sourires, attendent quelqu’un et me guettent.

    Le courrier s’est empilé ; il est temps de le lire. Je prends une lettre au hasard : « Je t’ai aimé... ». Je froisse le papier. Une autre : « J’aurais pu t’aimer... ». Je referme l’enveloppe et je la pose sur la colonne la plus noire.
    J’ouvre une autre lettre : « Pourquoi ? » Et je tremble, glacé par les soupirs qui balaient la scène et soulèvent quelques feuilles, crucifiées d’anciens poèmes, rongés par les vers.
    La vérité s’agite à la périphérie de mon regard... mais continue de m’échapper. Et maintenant que la seule vraie question s’est déroulée devant mes yeux, je la devine moins bien. Comme s’il valait mieux que je reste dans l’ombre. Alors je ferme les yeux.
    Oui, celle-là était dans le vrai, elle savait quoi écrire, elle savait qu’elle devait interroger. Peut-être était-ce Elle ?
    Mais je ne veux pas savoir, je regarde les mouettes et lance la lettre au milieu des poèmes que le vent emporte.

    Et je reprends ma ballade mortuaire, jetant quelques regards en arrière, là où j’ai écrit mon histoire, quelques instants plus tôt, à l’encre des minutes. L’air est froid comme une histoire d’amour sans fin, quand le prince ne rencontre pas sa destinée. Il est froid comme un amour qui ne court pas indéfiniment de elle à lui, de lui à elle, comme un amour qui est passé inaperçu. Tous ces amours se sont noyés et la mer les charrie inlassablement sur cette île qui m’habite malgré moi. Et, avec, le destin tue le temps, en bâtissant sur ce rivage salé ces colonnes bêtes et mordantes.

    Je n’ai pas aimé des femmes. Des femmes ne m’ont pas aimé. Tous ces dons sans retour s’alourdissent de ces amours tout prêts à naître qui n’ont même pas éclos, qui n’ont même pas eu la première chance.
    Et à chaque fois un ange est né pour mourir aussitôt. Et c’est sur leur tombe que je marche actuellement, qui se fissurent sous le poids de mon inexistence. Et des fissures jaillissent des poèmes que les soupirs balaient jusqu’au sommet de l’île, où le soleil les brûle...

    Et un peu plus loin,
    la banderole
    affirme toujours
    « Tout est à vendre ».

    Le courrier continue de s’empiler. Peut-être qu’un jour je serai trop fatigué pour continuer de déambuler entre ces lettres accumulées depuis deux ans ; et je m’effondrerai là, contre une colonne, avant qu’elle ne s’efface.
    Alors toutes ces âmes équarries qui attendent sous la banderole, fondront sur moi et ruineront mon âme ; le rivage sera leur.
En attendant, je continue d’errer et de chercher mon cœur que j’ai bêtement perdu en m’écorchant les mains sur les roses bleues et vertes qui avaient poussées sur le Chemin des Regards Croisés.

    Mais je reste encore maître de ce lieu où l’amour existe encore, puisqu’il peut encore se perdre.
Mais connaît toujours l’Espoir, et rêve de se retrouver : le Rivage des Amours Échouées.




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Jorge Cardoso
Poète à heures perdues et retrouvées

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